«I know it's hard to keep an open heart, when even friends seem out to harm you» {April Heard - June Rain}

J'avais marqué l'adresse d'April à la va vite sur un petit bout de papier, le premier truc qui m'étais à porter de main lorsque j'étais au téléphone. Je craignais que, dans ma précipitation, je n'eus fait des fautes dans ce qu'elle me dictait. Dans ce cas-là, ce serait vraiment embêtant, surtout que je ne me voyais pas frapper à la mauvaise porte. Bref, nous verrons bien. J'enfilais un jean slim déchiré, un long débardeur où le groupe Aerosmith y était, enfilais ma veste en cuir puis pour finir, faisaient des noeuds avec les lacets de mes converses. Je pris mon sac à main et dans le même élan attrapai mon parapluie qui était posé sur le même meuble et sortis de la maison. La pluie ne s'était pas arrêtée à ma grande surprise. Cela faisait une demi-journée qu'elle tombait à flot sans regresser de force.

Je me rendis jusqu'à l'arrêt de bus et m'assis sous l'abrit. Quelques minutes plus tard, le bus fit son apparition, et il venait seulement de s'arrêter que je me précipitai à l'intérieur où je choisis une place près de la fenêtre. Il n'était pas bondé comme à l'habitude. Je regardais les directions sur un tableau d'arrêt qui était placé juste au-dessus de la porte, cherchant celui où je devrais descendre. C'était d'allieurs, l'arrêt suivant.

Le bus s'arrêta et je descendis, ouvrant mon parapluie dans le même élan. Je cherchais le numéro de l'immeuble et lorsque je le trouvai, je sonnais et j'attendis qu'elle me réponde à l'haut parleur.

- Oui? demanda la voix d'une jeune fille qui semblait être April.
- C'est June, répondis-je.

Avant de m'ouvrir elle me confia que son appartement était celui du fond au premier étage. Dans un bruit sonore, la porte s'ouvrit et je pus aller jusqu'à son appartement. Je m'y rendis en deux minutes. Elle m'attendait sur le seuil, et je lui souris poliment.

Spoiler:

Je vins jusqu'à April et me penchai naturellement pour lui faire la bise. J'esperais qu'elle connaissait un peu ces coutumes qu'abordaient notre civilisation, parce que je n'étais pas sûre qu'elle parle à d'autres humains que moi. Pour toutes réponses, elle me sourit, ce qui me soulageai grandement. Elle me fit entrer, avant de fermer la porte d'entrée derrière elle. J'étais comme distraite par tout ce que composait sa fabuleuse villa. C'était immense et tellement bien eclairée... Comment avait-elle fait pour obtenir tout ça? Je me le demandais bien. J'étais tellement absorbée par la contemplation de son intérieur que j'en oubliais même sa présence. C'était elle d'ailleurs, qui me rappela à l'odre en me demandant si je désirais quelque chose à boire. Je n'avais pas trés soif, certes, mais ce n'était pas polie de refuser cependant. J'aquiesçais donc, quand elle m'énuméra tout ce qu'elle avait comme boisson. A vrai dire, elle avait tellement de choses que je ne savais quoi choisir.

- Je veux bien de l'Ice Tea, s'il te plaît, répondis-je poliment.

En temps normal, j'aurais peut être pris autre chose, quelque chose de plus fort mais comme elle l'avait dit peu de temps avant; il n'était que quatorze heures.

Je restai perplexe sur ses derniers mots. Aurait-elle eu accès à mes pensées pour le deviner? Si c'était cela je n'apréciais pas du tout. Mais je n'avais pas forcément envie d'une boisson plus forte, et c'était d'ailleurs mieux que je me contente d'un simple Ice Tea pour aujourd'hui. Je ne touchais pas souvent à l'alcool, mais je savais que lorsque je le faisais, je ne restais pas sobre pour trés lontemps et cela m'ennuyait qu'elle remarque cette honteuse partie de mon être. Je secouais la tête sechement, en guise de "non", afin de lui montrer que cette boisson m'allait trés bien. Mon visage avait sûrement du se fermer entre les deux minutes qui s'étaient ecoulées, mais ça, c'était seulement parce que je n'aimais pas que quiconque s'infiltre dans mes pensées. Si en ce moment elle était encore dans ma tête, elle le saurait sans même que je lui dise. Sinon, elle le lirait sûrement sur mes traîts durs mais je préferais être claire sur tout ça.

- Je préfere te prévenir... je n'aime pas qu'on lise dans mes pensées, la prévenai-je calmement mais fermement.

Et j'avais l'impression que ceci était bien typique des mages noirs, de s'incruster dans les songes des humains, mais je ne voulais pas être trop méchante avec elle, je savais bien qu'elle ne l'avait pas fait pour m'ennuyer.

Lorsqu'elle rétorqua ceci, je m'étais tout de suite voulu de lui avoir fait cette remarque. C'est vrai qu'elle aurait pu le lire sur mon visage. C'était comme si une partie de moi cherchait une faille dans sa bonté naissante afin de confirmer qu'il ne s'agissait que d'un piège pour mieux m'avoir par la suite, parce qu'en ce moment, et je me l'avouais sans honte, ce qui me faisait le plus peur c'était de m'attacher à elle, et qu'elle me brise comme une vulgaire allumette, sans remords. Après tout, sa nature était de faire souffrir les gens; ces personnes-là vivaient pour cela et je craignais qu'elle ne me le fasse payer un jour ou l'autre.

- Je suis désolée d'avoir pensé ça.

Si April aurait étè une humaine, la question ne se serait même pas posée puisque je saurais qu'elle aurait utilisé sa perspicacité pour connaître le fond de ma pensée. Mais là, elle disposait d'un pouvoir, donc, je trouvais ça quand même normal que je pense à cela en premier lieu. Cependant, rien ne prouvait qu'elle l'avait utilisée et quelque part je trouvais ça respectueux de sa part.

Je ne savais pas quoi répondre devant ce flot de paroles qu'elle débitait avec regret. Je n'avais pas le pouvoir de lire son esprit comme un livre ouvert, mais cependant, je voyais très clairement à travers ses yeux, tels un miroir qui me renvoyait ses sentiments. J'avais l'impression qu'elle s'en voulait même plus que je ne le faisais à son égard. Elle n'avait pas tord, c'était compréhensible et justifié que les gens se méfient d'elle puisque sa nature provoquait ce sentiment. Néanmoins, si elle arrivait avec le temps à me montrer que sous ce masque noir, elle pouvait avoir un fond d'humanité, je ne voyais pas la moindre raison de me bloquer. Elle avait l'air d'être en plus de ça, sincère dans ce qu'elle me disait.

- Si tu arrives à me prouver que tu peux changer ta nature, peut être que j'aurais moins d'appréhension sur tes gestes.

Je me contentai de lui envoyer un sourire en coin afin de lui faire comprendre que son message était bien passé, et que j'allais bien évidement me souvenir de cette promesse. C'était à ce moment-là que je savais que je pouvais croire en elle. Peut être que pour elle, cette promesse serait dure à tenir et je le comprendrais bien sûr, tant qu'elle ne ferait de mal à personne, mais je sentais que je me devais de parier sur ses efforts qui aboutiront à quelque chose.

Elle me proposa de boire quelque chose de plus fort, et sans gène de ce qu'il s'était passé un peu avant, je lui demandai de m'apporter un Desperado, ma boisson alcoolisé favorite. Je n'avais plus réellement touchée à l'alcool depuis un bon moment, mais je savais qu'un petit verre de ceci ne pouvait pas me faire de mal et puis cela me permettra sûrement de me décoincer un peu devant April puisque cette boisson avait des effets d'anti-dépresseurs sur moi.

Elle me tendit la boisson en main et je fus sur le moment un peu surprise de sa rapidité. Je vus qu'April avait décidé de boire de l'alcool à l'instar de moi. Je ne savais pas quel genre de boisson c'était mais je devinais facilement grâce à sa couleur que c'était un cocktail. Je pris place sur le canapé, et elle s'assit sur celui d'en face, une table basse nous séparait, nous permettant ainsi de poser nos verres.

Je ne pus m'empêcher de sourire légèrement lorsque j'entendis le prénom "Aidan" sortir de sa bouche d'un rouge sang. Mais mon sourire se dissipa rapidement... Aidan n'était plus là en ce moment et cela me pesait. Je décidais de me reprendre et de faire bonne figure, comme d'habitude.

- Oui, toujours, répondis-je avec un sourire forcé. Et toi, tu sors avec qui en ce moment? éludai-je par cette question.

Non, je ne pensais pas qu'Aidan puisse tenir à moi ainsi. Il était simplement fou, ce qui s'expliquait par ses gênes qui lui ordonnaient de défendre constamment les gens, mais évidement, il n'en était pas conscient, prenant cette ordre naturel pour de l'attention à mon égard. C'était triste. Oui, parce que j'aurais réellement apprécié qu'il m'aime pour de vrai, comme les humains pouvaient le ressentir à un moment de leur vie. Mais ça, je n'en fis pas part à April, je préférais lui lancer un sourire amical.

Je trouvais ça presque normal qu'elle n'ait personne dans sa vie. Après tout un mage noir n'avait aucune attache mais de l'autre côté, je savais que si un homme connaissait cette facette de sa personnalité, il en tomberait éperdument amoureux, parce qu'en ce moment, elle était très agréable.

- Tu trouveras un jour celui qu'il te faut, l'encourageai-je à y croire encore.

Je ne pouvais pas la laisser baisser les bras comme je l'avais fait peu avant la rencontre d'Aidan. Elle méritait de trouver la bonne chaussure qui ferait d'elle la Cendrillon des temps modernes.

Je bus une gorgée de mon Desperado avec envie. Cette boisson avait toujours tendance à me désaltérer et ça ne manquait pas non plus cette fois. La pluie s'était retirée, laissant pour le moins toujours ses vapeurs d'eau épaisses dans le ciel. La fenêtre du salon était teintée de buée, laissant le paysage derrière elle flou. Bizarrement, à ce moment-là mon enfance m'assaillit avec ses images qui passaient rapidement dans mon esprit comme des flashs de jours heureux. Je me rappelais des jours de pluie, où je restais dans ma chambre à dessiner des choses abstraites avec mon index sur la vitre embuée, où je passais mes journées à me tordre les doigts sur la vieille guitare de mon père, où je racontais des histoires sordides à ma meilleure amie, des rêves à présent envolés à tout jamais...

La mélancolie m'avait rattrapée et les larmes me brûlaient les yeux. Pour les repousser, je pris mon verre vivement et le bus d'une traite afin que la boisson me brûle la gorge à l'exactitude de ce que me faisait mon passé afin que la douleur physique soit plus forte que la douleur morale. Cela réussit ce qui me permit de me reprendre.

Je pointais le regard sur April qui avait l'air, elle aussi dans ses songes. Une chance pour moi qui craignait qu'elle ne distingue quelque chose. Elle me murmura:

- Je l'ai déjà trouvé.

Je ne savais pas vraiment quoi dire de cela si ce n'était que j'étais plus ou moins surprise qu'un mage noir pouvait lui aussi ressentir des sentiments qui étaient normalement réservés aux humains.

- C'est un mage? demandai-je, curieuse.

Je fus surprise de sa réponse. Elle était donc tombée amoureuse d'un humain? Me dire qu'elle n'éprouvait aucune haine face à cette personne me déroutait quelques peu. Mais j'avais le pressentiment que cet attirance n'était pas facile pour elle, rien qu'à regarder la tristesse que trahissaient ses claires iris. Peut être était-ce l'une des raisons pour lesquelles elle n'aimait pas les humains? Peut être était-ce parce qu'il l'a faisait souffrir? Je n'en savais rien, ce n'était que des hypothèses, histoire d'essayer de cerner sa personnalité. Parce que même si elle était sympathique envers moi en ce moment, je n'arrivais pas vraiment à la comprendre. Son comportement restait encore un mystère pour moi.

Peut être qu'elle était tout simplement lunatique, mais je l'aurais reconnu aux premiers abords si il s'agissait de cela. Hors, là, je sentais que c'était plus profond que des sautes d'humeurs. Je hochais donc la tête, ne voulant pousser la conversation plus loin afin de ne pas laisser mon indiscrétion pénétrer dans son territoire; elle m'en parlera quand elle le voudra vraiment.

Je n'aurais jamais cru qu'April s'ouvrirait autant et de la sorte avec moi. J'étais loin d'être effrayée par les ébauches de sa vie. A vue d'oeil, l'erreur n'était pas reservé seulement pour les humains, ce qui m'incitai à penser que même si ils faisaient du mal, ils avaient une part d'humanité, même si ce n'était pas la meilleure. Un petit frisson me parcoura l'échine lorsqu'elle prononça qu'elle ne vivait qu'à travers la souffrance des personnes auquel elle infligeait la torture. A ce moment là, un flash de mon expérience avec elle traversa mon esprit, aussi rapide qu'une comète, mais aussi distinct que la lune dans la pénombre de la nuit.

Elle remarqua le tréssaut de mes épaules et me lança un regard plaintif, celui qui demandait pardon d'être ce qu'elle était et qui affirmait que malgré tout, c'était du passé. Elle me raconta donc son histoire, la rencontre avec celui qu'elle aimait. Je ne pûs réprimer une certaine douleur à son égard. Ce n'avait pas l'air si facile que ça de dominer les gens avec ses pouvoirs, même si on essayait de se convertir à la haine, la tentation de l'amour semblait toujours nous rattraper à un moment donné... et elle confirmait ces dires que j'avais moi aussi vécu.

Je ne comprenais cependant pas pourquoi elle me demandait de la pardonner à la fin de sa confession, mais j'étais réellement touchée qu'elle m'avait conté cela, puisque je savais que j'étais la première.

- Pourquoi me demandes-tu pardon? demandai-je, voulant comprendre.

J'avais envie de lui dire qu'elle n'était pas obligée de me raconter ces choses qui avait l'air de la détruire, simplement en y songeant. Je ne désirais pas lui faire revivre des moments qu'elle aimerait peut être oublier, mais je ne disais rien. Elle était consciente de ce qu'elle faisait à cet instant, puisqu'elle avait décidé de me narrer toute l'histoire avec celui qu'elle avait l'air d'aimer, malgré qu'elle soit déchirée entre l'envie de le tuer et l'envie de lui avouer tout son amour. Je n'allais bien évidement pas la juger. De toute manière, je n'avais jamais été ainsi.

Je l'écoutais parler, en hochant lentement la tête comme pour lui affirmer que j'avais bu tous ses mots attentivement. Si le fait de se confier pouvait la soulager, retirer un poids lourd de ses frêles épaules, alors je n'allais pas l'arrêter. Je voulais l'aider.

- Que s'est-il passé? l'incitai-je à continuer lorsqu'elle marqua une pause.

Je l'écoutais attentivement. J'arrivais clairement à imaginer l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, même les moments uniques qu'ils avaient dus passé ensemble. Cela me faisait sourire de voir qu'April avait trouvé sa dose de bonheur elle aussi. J'étais heureuse pour elle en ce moment, même si je savais que son histoire cachait un côté sombre qu'elle n'allait omettre de me confier. Je le savais aux derniers mots qui avaient laissé un suspens dans la conversation; "Tout semblait parfait."

Je regardais les traits de son visage, afin d'y déceler la noirceur de la suite. J'avais l'impression qu'elle revivait dans son esprit les bons moments afin d'en oublier les autres, et de quelque part, peut être inconsciemment, retarder l'échéance de ce qu'elle voulait me dire, et de ce qu'elle désirait à la fois oublier au plus profond de son âme. J'étais muette, ne voulant en aucun cas la brusquer, ou qu'elle ne se sente comme forcée de me dire la suite. J'imaginais clairement ce qu'elle ressentait même si je ne savais encore pas tout, et je me sentais apte à l'encourager.