June - April [It's a beautiful day.]

Ces temps-si, je remarquais que mon humeur passait de l'euphorie à la tristesse en moins de trente secondes. J'avais oublié ce côté lunatique de ma personalité, qui s'était enfoui dans mon corps depuis un petit temps. En effet, j'avais réussi à laisser de côté le masque de la mélancolie pour arborer celui de la joie de vivre et ce, depuis que Aidan était présent dans ma vie. C'était pour ainsi dire, lui qui me faisait voir tout ce qui m'entourait d'un bon oeil et j'étais d'ailleurs mieux comme ça. Mais en ce moment, Aidan était plutôt pris par ses missions de sauvetage car les mages noirs semblaient apparement se faire de plus en plus nombreux dans la ville. J'admirais son altruisme et son courage mais je ne pouvais nier qu'il me manquait terriblement et que j'aimerai bien l'avoir pour moi toute seule au moins une journée. Mais cela était impossible. On ne se voyait que quelques minutes par jour jusqu'à ce que ses sens l'avertissent qu'un humain était en danger. Je soupirais et me dis intérieurement que cette situation ne durera pas, même si je ne pouvais évacuer l'inquiètude qu'il arrive quelque chose à Aidan de mon esprit.

C'est en enfilant mes converses usés que je pris la décision de m'évader en allant me promener dans un endroit calme et paisible.

Il faisait frais à cette heure de la soirée. Il n'était pas tard, nous étions seulement à l'heure du repas mais je n'avais pas vraiment faim. La nourriture n'avait jamais fait partis de mes plaisirs; je mangeais pour survivre et je ne vivais donc surtout pas pour manger, même si je devais avouer que je n'aurais pas craché sur un petit brownie en cet instant. Je longeais les rues qui semblaient toutes se ressembler dans la pénombre qu'essayait d'éloigner les lampadaires. Je pouvais remarquer que c'était notamement l'heure de pointe; il y avait des bouchons dans les carrefours et les fares des voitures illuminaient à eux seuls, toute une avenue complète. J'en déduis donc qu'il était préférable que je me rende au parc à pied si je ne voulais pas encore être coincée dans le bus demain.

Je ne distinguais pas clairement le passage piéton à cause de tous ces engins mécaniques sur la route. Je me faufilais donc malgré tout, entre les voitures, dans le but de gagner le parc qui était juste en face de moi. La pollution qui regnait sur la chaussée était telle, que j'avais eu un coup de chaleur pendant un peu plus de dix secondes.

Enfin, je posai un pied sur le trottoir devant l'étendue verte où j'aimais tant passer mes moments de solitude. Je m'y infiltrai et c'était comme si le parc en lui-même était une barrière naturelle à tout polluant; je ne ressentais plus la pollution, et pourtant elle n'était même pas à cinq mètres de moi.

Je marchais, les yeux comme attirés vers le sol. Je ne savais d'ailleurs pas d'où venait cette manie de marcher avec le regard baissé. Je n'étais pourtant pas soumise à la population, ni à personne mais cela était comme cela. C'était comme si, de voir que mes pieds soutenaient mon corps me rassuraient. Pourtant, j'arrivais cependant à remarquer les passants qui marchaient en sens inverse de moi, mais je n'y prêtais pas vraiment attention, j'étais comme à l'habitude, trés loin dans mes pensées sordides et incompréhensibles au commun des mortels, mais ça, je m'en fichais pas mal.

C'était comme si l'air frais affluait le flux sanguin en grosse quantité d'oxigène; j'avais comme l'impression que ce sentiment d'être opressée, en manque d'air dans ce monde qui me paraissait si petit contenu du gros nombre de personnes qu'il y avait, avait disparu. Je me sentais détendue, ici. Soudain, mon regard s'arrêta sur des jambes nues trés fine et pâle. La personne portait une robe et elle était statique au milieu du chemin, devant moi, ce qui m'obligea à relever les yeux afin de voir qu'elle était le problème si il y en avait un. Je reconnu April.

Je me demandais tout d'abord si elle me suivait. On se retrouvait bizarrement toujours aux même endroits, et aux même moments. Je ne croyais pas au destin, et d'ailleurs, je ne croyais en rien du tout si ce n'était à la magie, qu'elle était noire ou blanche. Je ne savais si je devais être polie et lui adresser un "bonjour". J'étais méfiante et je n'arrivais pas à voir autre chose dans ses yeux que ce qu'elle m'avait fait subir quelques semaines avant ce jour. J'étais plutôt rancunnière comme personne. Et de plus, on ne pouvait pas dire qu'elle y était allée de main morte ce jour-là. Elle me toisait, à l'instar de moi, sans dire un mot, attendant sans doute que je lui epargnerais cet effort.

Sans que je m'y attende, elle se décala de la voie et je hochais brièvement la tête afin de la remercier. Je n'avais pas non plus oublié les bonnes manières. Je me demandais si ce serait possible qu'un jour nous serions amies... à mon avis, un lien nous liait... mais il en faudrait plus pour qu'on le devienne. Déja, il faudrait qu'elle s'excuse pour les torts qu'elle m'avait causée.

Je passai devant elle, sans me retourner comme si cette rencontre n'avait pas eu lieu. C'est alors qu'elle me dit d'un air amusé:

- Alors comme ça, on ne dit même plus bonjour?

Je n'avais pas vraiment le coeur à rire avec l'absence d'Aidan, le stresse et tout le train-train qui allait avec. Je me retournais et je remarquais l'ombre d'un sourire illuminé son visage pâle comme de l'ivoire.

- Je pourrais te poser la même question, répondis-je au tac au tac.

Spoiler:

La remarque que je venais de lui dire n'avait pour aucun but de l'agresser, c'était seulement un constat et je ne désirerais pas qu'il soit pris autrement, car cela impliquerait sûrement un malentendu et les choses étaient déja tendu entre nous. Sa réponse m'affirma que nous étions en ce moment, en tout cas, sur la même longueur d'onde puisqu'elle ressenti ma phrase comme je le voulais. Cependant, je ne savais que répondre à ça. Peut être n'avait-il rien à rétorquer justement?

Je la regardais, simplement. Je cherchais à deceler quelque chose dans ses yeux claires qui pourraient m'inciter à vouloir la connaître, et même à essayer de la comprendre car pour moi, qui n'était qu'une simple et fébrile humaine, j'avais du mal à saisir comment on pouvait être aussi sadique et cinique. Les mages noirs étaient une terre incconue de tous et pas seulement de moi, même des mages blancs, à mon avis.

Bizarrement, j'avais l'impression de lire à travers elle. De percer son âme. A ma grande surprise, je pus constater que même les êtres les plus infâmes qu'il y avait sur cette terre possédaient des sentiments, des "sentiments humains", comme l'amour, le desespoir, la tristesse, la solitude, la joie... et j'arrivais à voir tout ça dans les yeux d'April. Peut être que je me trompais, je n'en savais rien, mais je lisais au travers elle avec tant de clarté, que le fait que je puisse me méprendre me surprendrais au plus haut point.

Je sentais à l'intérieur de ce corps que j'habitais, que j'avais envie d'éprouver une certaine compréhensivité envers elle. Une part de moi essayait de me convaincre que son agressivité venait du fait qu'elle était une personne de mauvaise augure mais qu'elle ne l'avait en aucun cas choisi et c'était ce qui provoquait cette rage en elle. Mais l'autre partie de moi me soufflait que la souffrance qu'elle m'avait fait subir était pour le moins impardonnable, qu'on était liée par un lien sacrée ou non. J'étais donc tranchée par l'envie de me rapprocher d'elle et de tourner la page, puis entre l'envie de l'oublier car cette partie de moi la detestait au plus profond de mon âme.

Elle me sourit, et quand même bien ravagée par deux voies différentes, je répondis à son sourire, comme si je répondais également à l'appel du drapeau blanc. Elle me proposa de manger une glace et de "discuter de tout ça calmement". Je compris tout de suite de quoi elle voulait parler. J'avais envie d'une glace et je ne désirais pas être en conflit ce soir, donc je m'apprêtais à accepter, même si j'étais toujours sur mes gardes.

- C'est d'accord, acceptai-je en souriant.

La nuit commençait à se marquer dans le ciel par l'apparation, de plus en plus distinct de la lune qui prévoyait d'être aussi ronde qu'une pupille, telel une boule lumineuse suspendu dans le ciel sombre. J'adorais regarder ce spectable. C'était une merveille. Je me contentais de peu de choses pour être à mon aise. Il me fallait juste mon monde, et mes songes.

Nous nous approchions du marchand de glace et comme je m'apprêtais à payer ma gourmandise, puisque j'avais de l'argent, je sortis mon porte-monnaie de mon sac à main et portai les yeux aux saveurs qu'on pouvaient demander. Il y en avait tellement... c'était dûr de choisir. J'avais envie de tout prendre à la fois, afin de profiter de chaque goût, mais évidement, cela aurait un coût et je ne voulais pas non plus me ruiner seulement pour une glace. Je remarquai qu'April avait déja son choix en tête, et quelques minutes plus tard alors que j'étais toujours entrain de réfléchir, le marchand lui tendis sa glace qui avait l'air trés bonne.

- Je crois que je vais prendre "Noix De Coco", dis-je à l'intention du commerçant.

Inconsciement, comme si nous nous étions mis d'accord par nos pensées, nous nous dirigions vers la rivière que j'avais appelé lorsque j'étais petite "la rivière magique". Je l'avais nommée ainsi car elle semblait être tout, sauf normale et elle me faisait beaucoup songer aux contes de fées car il fût un temps où j'y croyais dûr comme fer. Nous marchions côte à côte en silence, portant notre glace à nos lèvres régulièrement. Ce silence était appaisant. Ce n'était pas forcément quelque chose de gênant en ce moment car l'écoulement de l'eau provenant de la rivière comblait un certain vide. Mais peut être qu'il était ennuyeux pour April:

- June, je voulais te dire...

Je me retournais vers elle, arquant un sourcil comme pour lui demander un "oui?" muet.

- Je suis vraiment désolée pour tout ce que je t'ai fait endurer, dit April sur un ton désolé.

Quelque part, cela me touchait d'avoir les excuses d'un mage noir. Mais de l'autre, je ne savais si cela suffisait à écarter tous les ressentis qu'elle m'avait fait connaître.

- Ca passera sûrement avec le temps, répondis-je.

J'avais répondu cette phrase, parce que même si j'avais du mal à me cerner par moment, je savais un peu près quelle genre de fille j'étais. Je n'étais jamais sûre de ce que j'avançais tant j'étais lunatique. Oui, j'étais rancunière, mais je savais quelque part que le temps arrangerait sûrement les choses, comme il le faisait à chaque fois. Si cette fois, cela ne marcherait pas, eh bien cela voudrait dire que nous n'étions pas faites pour être amie même si notre lien portait à croire le contraire. Nous verrons bien où tout cela nous menerait de toute façon, donc, je préferai ne pas porter de jugements hâtifs. Pour l'instant, on se comportait sagement et j'aimais cette facette de sa personalité. A vrai dire, jamais je n'aurais pu croire qu'un mage noir pouvait faire preuve d'autant de sympathie... comme quoi, il ne fallait pas se fier aux apparences.

Pour toute réponse, je lui adressai un sourire chaleureux, qui était plutôt rare, il fallait l'avouer. Peut être était-ce le début d'une amitié entre nous?

La nuit commençait à assombrir tout ce qui nous entourait, et si April ne me l'avait pas fait remarquer, je ne serais jamais rentrée à temps pour le couvre-feu de l'université. J'étais tellement bien dans cet endroit... Comme pour la remercier du service qu'elle me rendit en m'avertissant de ceci, j'acceptai son escorte jusqu'à mon université. April semblait réellement une autre personne, ce n'était pas du tout déplaisant mais il fallait juste que je me fasse à cette idée qu'une fille comme elle pouvait être ainsi.

Sur le chemin, tout était calme, on entendait seulement nos pieds racler le goudron et le vent qui berçait les feuilles mortes sur la chaussée. Lorsque nous arrivâmes devant mon institution, je ressentis une petite boule dans le ventre; je n'avais pas envie de rentrer. Elle me demanda mon numéro de portable et moi le sien, et c'était ainsi que nous finissions cette agréable soirée.

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